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Mobilité durable : un défi pour le secteur public comme pour le secteur privé avec une probable évolution de la législation en la matière
Les experts de Garrigues dans le secteur du transport, de la logistique et de la mobilité analysent les principaux défis réglementaires en matière de mobilité avec M. Alfonso Cuenca, avocat du Parlement espagnol, directeur des études de la Chambre des députés et avocat de la Commission des transports, de la mobilité et du programme urbain pour cette Chambre.
Un des grands objectifs, que ce soit au niveau mondial, européen ou national, est de parvenir à une mobilité de plus en plus durable. Plusieurs réglementations ont été adoptées à tous les niveaux ces dernières années, et de nombreuses autres sont en préparation, avec un impact sans aucun doute important sur le transport et d’autres secteurs étroitement associés, comme la logistique.
Dans ce contexte, Javier Manchado et Jabier Gómez, respectivement associé et collaborateur principal du département de droit administratif, d’urbanisme et d’environnement du cabinet Garrigues, ont analysé, avec Alfonso Cuenca, avocat du Parlement espagnol au sein de la Commission des transports, de la mobilité et du programme urbain de la Chambre des députés, le cadre normatif actuel particulièrement prolifique en matière de mobilité durable ainsi que ses principales nouveautés, pour la nouvelle publication de Los diálogos de Garrigues Sostenible (Les dialogues de Garrigues Durable).
« La mobilité durable constitue un challenge et un défi pour le monde actuel qui ne pourront certainement pas être relevés avec succès sans une action conjointe et coordonnée du secteur public, des entreprises et des citoyens », a indiqué M. Manchado lors de cette rencontre qui avait pour objet d’analyser en détails les aspects les plus marquants de la réglementation en cours d’élaboration dans ce domaine en Espagne, et, plus spécifiquement, le projet de loi pour une mobilité durable que le Conseil des ministres a transmis à la Chambre des députés en décembre dernier.
En commençant son intervention, M. Cuenca a rappelé que « les grandes révolutions industrielles ont toujours été liées au transport », puis il a ajouté que la crise de la Covid-19 de ces dernières années avait souligné l’importance décisive du transport et, au-delà, du concept plus large de mobilité (avec une approche davantage centrée sur les personnes), pour l’exercice d’une série de droits. « Désormais, la priorité est de promouvoir un transport de moins en moins polluant », a-t-il précisé.
En ce qui concerne le projet de loi, déjà en discussion à l’Assemblée et qui devrait voir le jour avant la fin de la deuxième session de l’année en cours, il a expliqué que son objectif était de « créer un véritable système national de mobilité durable avec tous les secteurs concernés ».
Quant aux principaux aspects du texte, il a expliqué qu’il s’agissait, dans un premier temps, de « faire du droit à la mobilité, un droit citoyen d’exercice collectif, servant de base à l’exercice de droits fondamentaux comme la liberté de circulation, le droit à la santé ou la protection de l’environnement ». Par ailleurs, parmi les principaux points abordés, « le projet prévoit la création et la réglementation d’un système national de mobilité durable, de fortes obligations en termes de planification de la mobilité durable pour les agents privés et les municipalités, ainsi que des nouveautés, notamment avec la nécessité de fournir une analyse rigoureuse de la planification pour permettre la rentabilité économique et financière des grandes infrastructures lancées en Espagne ces dernières années ».
Quant au rôle que devront jouer les régions autonomes et les administrations locales, l’avocat du Parlement a indiqué que la législation prévoit plusieurs instruments pour structurer le système national de mobilité durable. Pour cela, « une conférence sectorielle dédiée au transport va être organisée avec des fonctions de coopération et de coordination permettant de garantir la pérennité d’un système de transport commun à toute la nation ». Il a également été décidé de créer un Forum administratif pour la mobilité durable qui intègrera les membres de la conférence sectorielle et les entités locales, et dans lequel les villes de plus d’un million d’habitants devront être représentées. De même, un Conseil supérieur de la mobilité durable, en tant qu’espace réservé aux experts universitaires, aux représentants de la société civile ou aux syndicats des entreprises du secteur, servira d’organe consultatif dans ce domaine.
Au niveau local, il indique que le projet de loi étend l’obligation de disposer d’un plan de mobilité durable aux villes entre 20 000 et 50 000 habitants, tout en précisant qu’il s’agira de plans simplifiés dont l’application ne pourra être effective qu’un an après l’entrée en vigueur de la loi. « Les villes ont été les architectes de la mobilité durable en Espagne et ce projet en tient compte », a-t-il souligné.
Il a également souhaité souligner une grande nouveauté pour le secteur privé dans ce projet de loi avec des obligations très concrètes pour les entreprises qui devront disposer à court terme de plans de mobilité pour le déplacement des personnes, employés ou clients, vers les grands centres d’activité ou d’emploi. Les centres d’activité seront tenus, par exemple, de désigner un responsable de la mobilité, et les grandes entreprises d’au moins 500 employés (ou 250 par équipe) devront prévoir des plans de mobilité spécifiques négociés avec les représentants syndicaux.
Au cours de cette rencontre, il a également été question de la situation des concessionnaires des services publics lesquels, selon M. Manchado, attendent avec impatience de connaître le contenu de cette nouvelle réglementation. Parmi les autres nouveautés, M. Cuenca a expliqué un projet visant à « approuver dans un délai d’un an une nouvelle carte de concession des lignes régulières de transport routier des voyageurs qui remplacera la carte actuelle, avec l’objectif de mieux adapter l’offre de transport public routier dépendant de l’État aux nouveaux besoins de mobilité des citoyens », « toutes les concessions d’État comprises dans cette carte devant être attribuées dans un délai de deux ans à compter de cette approbation », et « en prévoyant, dans certains cas, différentes règles sur la poursuite de la prestation de services par les concessionnaires actuels ».
Jabier Gómez s’est, quant à lui, intéressé à la réglementation de la nouvelle mobilité dans ce projet de loi, à la recharge des véhicules électriques, etc. M. Cuenca a précisé que, sur ce point, le projet de loi prévoyait d’aborder, par exemple, la mobilité collaborative ou le covoiturage, indépendamment d’une éventuelle réglementation des plateformes qui connectent les utilisateurs entre eux, tout en évoquant les défis qui nous attendent, avec, par exemple, les véhicules sans conducteur.
Il a également rappelé que l’une des principales nouveautés du projet de loi est l’articulation d’espaces d’essais contrôlés ou sandbox pour expérimenter la réglementation des nouveaux moyens de transport. La réglementation prévoit comment le promoteur du projet, mais aussi les autorités publiques concernées, devront présenter des propositions d’évolution de la réglementation de manière à favoriser l’intégration d’une vision pratique des opérateurs du marché dans la future réglementation.
Gómez s’est également intéressé à la modernisation des infrastructures que le projet de loi prévoit avec certitude. Ce à quoi Alfonso Cuenca a répondu que, comme indiqué dans son préambule, le texte souligne la nécessité d’investir en priorité dans l’entretien et l’amélioration des infrastructures existantes, plutôt que dans la création de nouvelles infrastructures.
Enfin, Javier Manchado a demandé à M. Cuenca de bien vouloir évoquer dans les grandes lignes les projets concernant les questions liées à la logistique, et notamment certains aspects actuels comme l’utilisation de robots ou de drones pour la livraison de commandes et de marchandises. M. Cuenca lui a répondu que « la logistique et le transport de marchandises sont spécifiquement traités dans le texte avec la volonté de reconnaître la nécessité d’améliorer la compétitivité dans ce domaine, tout en tenant compte des nœuds logistiques qui apportent une valeur ajoutée au transport ».